Neo trad LE BAL REVIENT DANS LA DANSE
Les bals populaires connaissent un renouveau en France. Portés par un public plus jeune et par de nouvelles formations musicales, ils associent tradition, création et instruments anciens pour redonner à la fête une dimension collective.
Cosmos Chocolat Photo®Valentina Solfrini
Même les salles de musiques actuelles s’y mettent. Plus habituée aux concerts de rap, techno et pop, L’Echonova de Saint-Avé près de Vannes a programmé le 6 décembre 2025 son premier bal populaire en clôture de Détours, un temps fort dédié aux musiques expérimentales, avec trois formations : Cosmos Chocolat, Super Parquet et Ludu Du. « On se lance avec beaucoup d’humilité pour offrir une soirée festive à un large public y compris les plus jeunes », glisse Matthieu Meyer, le directeur de L’Echonova (cf. interview page suivante). Sur les parquets en plein air, dans les guinguettes ou désormais dans les salles de concert, les bals populaires connaissent un fort engouement notamment auprès des nouvelles générations. Ce retour en grâce des bals s’explique par un besoin de convivialité et de proximité. Lassés des soirées standardisées, les jeunes se plaisent dans ces événements accessibles et sans frime. En outre, le bal devient une alternative à des discothèques aux billets d’entrée souvent onéreux et qui tendent à disparaître. Cet attrait pour les bals se ressent en particulier auprès des milieux étudiants et dans les villes universitaires. À Rennes, le cercle celtique gère par exemple Parquet de Bal, une salle de spectacle située à quelques encablures du campus de Villejean et dédiée plus spécifiquement au bal populaire.
Un mélange de musiques
Ce mouvement n’a rien d’un repli identitaire. Loin de là ! « Le folk a toujours promu le mélange. C’est un phénomène anglo-saxon, né des influences jazz et rock. Si on remonte plus loin, le bal musette vient de la rencontre entre les musiques auvergnates et italiennes », relevait dans Le Monde daté du 4 mai 2025 David de Abreu, président de la Fédération des acteurs et actrices des musiques et danses traditionnelles.
Les groupes qui animent ces bals folk ne se contentent plus de reproduire des répertoires régionaux. Ils les transforment, les recomposent et les associent à d’autres influences. Des formations comme les Belges de Naragonia, les Gascons de Laüsa ou les Ch’tis de Shillelagh mélangent les musiques traditionnelles et du monde, le jazz et l'électro. La programmation des bals traduit cette ouverture. On y entend des mazurkas, scottishs, bourrées ou valses revisitées. Les instruments traditionnels comme l’accordéon, la vielle à roue, le violon ou la cornemuse côtoient les guitares électriques, les percussions et les synthétiseurs. Cette hybridation contribue à attirer un public curieux, sensible à la richesse sonore et à l’énergie collective du jeu acoustique. BMO
3 Questions à Matthieu Meyer, directeur de L’Echonova à Saint-Avé
“Le bal populaire a cette dimension festive qui favorise les liens sociaux”
Matthieu Meyer, directeur de L’Echonova de Saint-Avé Photo ®Marine de Bruyn
Qu’est-ce qui a poussé L’Echonova à programmer le 6 décembre à Saint-Avé un bal populaire pour Détours ?
C’est une première pour nous. Nous avons créé il y a trois ans le temps fort Détours avec la volonté d’investir le champ des nouvelles musiques traditionnelles ou expérimentales et de nous rapprocher des cultures locales en allant explorer les territoires ruraux par des concerts dans de petites communes. Nous trouvions intéressants de clôturer cette 3e édition de Détours par un grand bal populaire à L’Echonova en accueillant des groupes de musiques traditionnelles qui dépassent les frontières bretonnes avec le quartet breton occitan Cosmos Chocolat et du folk psychédélique du Massif central avec Super Parquet. Le Finistère est représenté par le duo Ludu Du qui a une approche plus brute et théâtrale dans sa manière de réinterroger les chants traditionnels (cf. article page suivante).
Un bal a-t-il sa place dans une salle de musiques actuelles ?
La ligne artistique de L’Echonova se porte d’abord sur l’électro, le rap et la pop française. Mais L’Echonova est aussi un lieu festif. Le bal populaire a cette dimension festive qui favorise les liens sociaux et qui permet de s’ouvrir à de nouveaux publics.
Pourquoi la musique dite « néo trad » se retrouve dans les bals ?
Le « néo-trad » existe depuis très longtemps. La musique traditionnelle se réinvente en permanence. Le New Trad Festival de Saint-Aignan, qui se déroule en mai dans le Loir-et-Cher, nous a beaucoup inspirés. On y découvre un public intergénérationnel avec des gens qui normalement ne se croisent pas. Cela va des habitants du coin qui dansent la valse musette à ceux qui écoutent de la techno ou du dub en passant par des adeptes de musiques underground. L’alchimie fonctionne vraiment très bien. À l’Echonova, nous avons choisi de pousser jusqu’à l’expérimentation artistique. C’est aussi ce qui différencie notre bal trad d’un fest-noz..
Propos recueillis par BMO
